Cassel, dix ans pour l’art flamand

Restauré dans la précédente décennie, le Musée départemental de Flandre, à Cassel, dans le Nord, fête ses dix ans à partir de cette fin de semaine.

• Mise à jour du 30 octobre 2020 : en raison du confinement, le musée est fermé. Les manifestations liées au dixième anniversaire sont annulées. Le musée reste ouvert aux groupes scolaires sur réservation (03.59.73.45.59).

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Francis Tattegrain (1852-1915), « Les Casselois dans le marais de Saint-Omer se rendant à la merci du duc Philippe le Bon le 04 janvier 1430 », 3,50m x 6,73m, dépôt du Fonds national d’art contemporain. ©Jacques Quecq d’Henripret

Du haut des plaines flamandes, à Cassel (Nord), le Musée départemental de Flandre célèbre déjà les dix ans de sa réouverture au public consécutive à  des années de travaux. Vendredi 23 octobre 2020, on aurait dû voir virevolter un étrange papillon sur la façade du musée, tandis que sur la grand’place le spectacle de danse Aile Émoi aurait offert au public un  moment de poésie, mais un certain coronavirus très contrariant a fait annuler ce moment. Dommage pour la compagnie Rêverie et la danseuse Isabelle Pencreach. Heureusement, tous les autres rendez-vous sont maintenus (voir programme plus loin).
En dix ans, le musée a proposé dix-huit expositions mettant en lumière un artiste injustement oublié ou un thème peu abordé. Trois d’entre elles ont obtenu le label « Exposition d’intérêt national » décerné par le ministère de la Culture : La Flandre et la mer en 2015, L’Odyssée des animaux en 2016, Gaspar de Crayer en 2018.  En 2019, l’exposition Fêtes et kermesses au temps des Brueghel a atteint le chiffre de fréquentation record de cinquante-trois mille visiteurs.

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Anonyme, Termonde – 1484 « La Vierge au donateur Joos vanden Damme ». Huile sur bois, 74,5 x 57,8 cm. Cassel, musée départemental de Flandre. Acquisition, 2009 avec le concours du Fonds régional d’acquisition des musées ©Jacques Quecq d’Henripret

Le musée présente une collection mêlant art contemporain, art ancien et objets ethnographiques. Il inscrit sa légitimité dans l’histoire de sa châtellenie, fondée en 1218 par Jeanne de Flandre (la châtellenie, organe administratif, couvre un vaste territoire qui correspond à la Flandre intérieure d’aujourd’hui). La collection actuelle, constituée à l’origine de quelque six mille objets, n’a cessé de s’enrichir depuis dix ans grâce à une politique d’acquisition ciblée autour de l’art contemporain et de l’art ancien des XVIe et XVIIe siècles (dessins, estampes, tableaux, sculptures, etc.). À ces acquisitions sont venus s’ajouter des dépôts prestigieux et des donations (récemment celle de la fille de l’artiste Nicolas Eekman).
Au-delà de sa géographie historique, le lieu franchit toutes les frontières, grâce au rayonnement international de l’art flamand. La muséographie crée une fusion entre le bâtiment et les collections. Tout est fait pour que le visiteur se sente en promenade, au cœur de la Flandre.

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D’après Pieter Bruegel dit le Vieux (Breda ?,1525/1530 – Bruxelles, 1569). Gravé par Poeter van der Heyden (Anvers, vers 1530 – 1575). « La Sorcière à Malleghem », 1559, burin. Cassel, Musée départemental de Flandre. ©Jacques Quecq d’Henripret

L’identité culturelle flamande est déclinée à travers un ensemble très riche. La collection d’origine, constituée surtout d’objets ethnographiques, a été étoffée en 2010 grâce à la politique d’acquisition suivie depuis trois ans, avant même le début du chantier de restauration. Une attention particulière a été portée à l’art ancien, plus connu du grand public. On trouve donc ici des tableaux insolites qui ne peuvent être admirés qu’à Cassel. La Vierge au donateur Joos van den Damme, daté de 1484, en est un exemple parfait. Il s’agit du premier tableau connu dans la peinture flamande osant représenter un donateur les yeux clos, c’est-à-dire mort.

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Façade arrière de l’Hôtel de la Noble-Cour, Musée départemental de Flandre. ©Philippe Houzé

Le musée s’est installé dans l’ancienne châtellenie de la ville : l’Hôtel de la Noble-Cour, qui date du XVIe siècle. De ses fenêtres, la vue, après dissipation des brumes locales, est imprenable.
Témoin d’une architecture flamande influencée par le vocabulaire de la Renaissance italienne, elle est classée « Monument historique » depuis 1910. Son immense toiture à pas-de-moineaux surplombe la façade de pierres de taille, ornée de griffons et de grotesques. L’Hôtel de la Noble-Cour a fait l’objet de gros et minutieux travaux de restructuration, qui ont débuté en septembre 2008. D’abord municipal, Le bâtiment, réhabilité grâce au Conseil général du Nord, propose mille mètres carrés de surface d’exposition.

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Façade du musée départemental de Flandre © Philippe Houzé

Le chantier de rénovation a stabilisé le bâtiment par la consolidation des fondations, le renfort des planchers, la reprise générale des maçonneries et la repose des décors intérieurs. L’hétérogénéité de la collection a nécessité de faire appel à des orfèvres : restaurateurs de la couche picturale, des œuvres papier, des textiles, des matériaux composites, du cuir ou encore des métaux.
Le parcours de l’exposition permanente est construit autour de quatre thèmes sous forme de binômes jouant le rôle de clés de lecture : « Soumission et colère », « Entre Terre et ciel », « Mesure et démesure », « Ostentation et dérision ».

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Erasmus de Bie (Anvers, 1629 – Anvers, 1670), Procession de chars sur la place du Meir à Anvers. Huile sur toile, 89 x 120 cm. Cassel, Musée départemental de Flandre. ©Jacques Quecq d’Henripret

Le premier thème a trait aux déchirements guerriers que la Flandre connut au fil des siècles en passant, tour à tour, sous la domination des comtes de Flandres et d’Artois, des ducs de Bourgogne, des rois d’Espagne, pour finalement devenir française en 1678, par le traité de Nimègue (Pays-Bas). Le terme de soumission renvoie à des faits historiques imposés à la population. Quant à la colère, elle illustre les réactions des hommes face au pouvoir supérieur et à un ordre social et politique établi.
Le binôme « Entre Terre et ciel » propose à la fois une analyse du paysage flamand et une approche sensible de la religion, qui prend en compte les dévotions populaires, parfois apparentées à des pratiques superstitieuses. Le visiteur découvre combien les Flamands, attachés à la terre et à leurs racines, idéalisent le paysage et lui donnent des dimensions divines, voire surnaturelles. Inversement, le ciel auquel aspirent les croyants est parfois occulté par des préoccupations plus terrestres. Les limites entre le ciel et la terre sont floues, imperceptibles, les deux notions composant en définitive un tout.

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Antoon van Dyck (Anvers, 1599 – Londres, 1641), attribué à « Tête d’homme barbu », huile sur bois. ©Direction des musées, musée des Beaux-Arts, Dunkerque / Jacques Quecq d’Henripret

La mesure et la démesure reflètent la volonté de tout contrôler, organiser, répertorier, parallèlement à une absence de limites dans les comportements. Par exemple, les dérives liées à des fêtes (kermesses, fêtes du houblon, etc.) sont souvent représentées, illustrant le besoin humain de rompre avec un quotidien de travail et de prière.
Pour décrire le quatrième et dernier binôme, Sandrine Vézilier-Dussart, directrice du musée, fait valoir que les Flamands « possèdent un sens affirmé de la dérision, une capacité à tout relativiser en portant un regard moral et satirique sur la société et leur propre personne ». Certaines représentations peuvent apparaître crues, sinon grossières, ou prêter à sourire. Avec ses faux lingots, l’artiste contemporain flamand Leo Coppers se moque de la nature humaine, toujours attirée par les scintillements de l’or alors que la vraie richesse est ailleurs…

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Franchir les portes du Musée de Flandre, c’est entrer dans l’histoire pour découvrir un univers artistique surprenant qui parle d’hier et d’aujourd’hui. Des Primitifs flamands aux paysages de Joachim Patinir ou de Roelandt Savery, en passant par les créations contemporaines de Jan Fabre ou de Wim Delvoye, ce lieu de prestige donne à voir la pluralité et la richesse de l’art flamand.
Le musée travaille aujourd’hui à un nouveau Projet scientifique et culturel. Dans ce cadre, il envisage de s’agrandir. L’étude programmatique a été confiée au bureau d’études In extenso qui remettra ses conclusions fin novembre 2020. Le bâtiment actuel, classé Monument historique, continuera d’abriter la collection permanente.
Photo ci-dessus : Sandrine Vézilier-Dussart, directrice du musée, lors de l’inauguration en octobre 2010. ©Albert Lammertyn
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Les dix ans du Musée départemental de Flandre, jusqu’au 1er novembre 2020 à Cassel, 26, grand’place.

PROGRAMME

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Dimanche 25 octobre 2020
De 10 à 13h et de 14h30 à 18h, plongez dans un univers fantastique peuplé de personnages fantomatiques, créé par Le collectif Métalu A Chahuter ! Vêtus de blanc, des comédiens et des musiciens, déambuleront dans l’Hôtel de la Noble Cour, incarnant l’âme du lieu. Vous pourrez aussi vous costumer et vous faire photographier devant un buffet baroque installé devant la façade. L’entrée est gratuite durant tout le week-end.
Illustration : Jan Fabre (né à Anvers en 1958) Les Messagers de la mort décapités L’Annonciateur du froid 2006 © Jacques Quecq d’Henripret

Mardi 27, mercredi 28, jeudi 29 et vendredi 30 octobre
De 14 à 17h : « De l’art en méli-mélo ». Une sélection de contes (à partir de quatre ans), des commentaires pour juniors (dès six ans) et des lectures méditatives (dix ans).

Samedi 31 octobre et dimanche 1er novembre
De 10 à 13h et de 14h30 à 17h30 : « La farandole des chimères ». Rendez-vous dans le monde des sorcières, grâce à la complicité de Cendres la Rouge, avec de drôles de personnages tout droit sortis d’un cabinet de curiosités…
De 14h30 à 18h : « Fabrique ta petite sorcière-chimère ». Ce, grâce à l’atelier d’arts plastiques en continu tout l’après-midi (à partir de quatre ans).

Ces animations sont comprises dans le billet d’entrée. En raison du contexte sanitaire, toute entrée au musée est soumise à une réservation préalable : 03 59 73 45 59 ou reservations.museedeflandre@lenord.fr

> Le site du musée

Une réflexion sur “Cassel, dix ans pour l’art flamand

  1. […] si vieux, ère confinée et de couvre-feu, le Musée de Flandre fêtait ses dix ans en 2020 (lire Cassel, dix ans pour l’art flamand). On peut dire que cette décennie est signée Sandrine Vézilier-Dussart, même si elle est loin […]

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